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LES TROIS BELLES CHARCUTIÈRES

enfin Isabelle était presque encouragée par son mari, qu’une passion impérieuse dévorait. On ne sait trop ce qui fût arrivé, lorsque les deux seurs firent une double connaissance.

Un jour, les deux couples allèrent au salon du Louvre voir les tableaux : Dequène avait un livre ; sa belle sœur le tenait par un bras, et semblait craindre de le quitter ; sa femme était de l’autre côté appuyée sur l’épaule de son beau-frère. Dans cet instant, ce dernier aperçut derrière lui deux sœurs, du même commerce, filles d’une veuve, propriétaire de la boutique la plus achalandée de la ville. Il les salua. Elles n’avaient pas de livre. — Je suis ( leur dit le charcutier), avec ma femme, mon beau-frère et ma belle-sœur ; mettez vous avec nous ; M. Dėquène est très instruit ; non seulement il nous lira le livret, mais il nous donnera toutes les explications que nous voudrons. Dequène, qui l’entendit, se retourna, et voyant deux jeunes personnes mises avec goût, dont l’une surtout avait des grâces infinies (c’était la belle charcutière qu’admirait sa femme), il seconda poliment l’offre de son beau-frère. Il mit l’ainée de ces deux sœurs à son côté, son beau-frère prit l’autre avec Isabelle, ils se placèrent tous trois devant Dequène, et il commença les explications, qui satisfirent également les quatre dames. Après le salon, Dequène ramena tout le monde dans sa voiture, et comme il fallait donner place aux deux étrangères, il mit sa belle-sœur sur ses genoux et le mari de cette dernière prit Isabelle.

Le chemin qu’on tenait demandait qu’on descendit les deux seurs à leur porte en passant : mais comme elles occupaient le fond de la voiture, Dequène crut qu’il était de la politesse de les mener à sa demeure, où il les retint par divers amusements jusqu’au souper.

Porcie-Adélaide, l’aînée des deux seurs, était une belle brune : mais ce mot ne rend qu’imparfaitement tout ce qu’elle valait. On sait quel est à Paris le costume des femmes de son état ; il approche de celui des bou-