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LA FILLE DU SAVETIER DU COIN



Un jeune homme de l’Auxerrois était venu à Paris un peu au hasard. Il avait quitté la métropole des Bas-Bourguignons, où il était clerc de procureur, à la mort de sa mère, qui fournissait à son entretien, et qui l’aimait beaucoup. Son père, âgé tout au plus de quarante ans, et qui n’avait que ce fils, ne tarda pas à se remarier à une jeune personne de dix-huit, qui détesta de tout son cœur le fils du premier mariage. Le jeune De Billi, autant de chagrin du changement de son sort que pour tenter la fortune, s’embarqua un matin sur le coche d’eau, et, en trois jours et trois nuits, il arriva dans la capitale de la France. Comme il avait peu d’argent, il alla dans une gargote où l’on mangeait à quatre sous par tête, sans y comprendre le pain : il y soupa copieusement ; car cette grande ville de Paris est si admirablement ordonnée, qu’on y vit à tout prix : on lui servit un morceau de rôti assez bon, avec une salade ; encore eut-il l’option d’un autre second mets ; on lui rinça un verre très proprement, on mit sur la table un pot à l’eau qui tenait environ trois pintes, non sans lui demander s’il voulait du vin, et on lui coupa un gros morceau de pain, en lui annonçant qu’il y en avait pour six liards. De Billi était dans l’admiration de se voir si bien servi, et à si bon compte,