Page:Restif de La Bretonne - Les Contemporaines, (Charpentier), tome 2, les Contemporaines du commun, 1884.djvu/403

Cette page a été validée par deux contributeurs.
393
ET LA JOLIE PAPETIÈRE

cœur. Il lui parla de la manière la plus honnête, la plus capable de l’engager à la confiance : mais elle ne s’ouvrit pas. En la quittant il alla chez madame Grandraisin, qu’il avait vue avec Rosalie autrefois, sous le prétexte de lui en demander des nouvelles.

Rosette ne déguisa pas la triste situation de son amie : elle en était si touchée qu’elle versa des larmes : M. Belleslettres ne put voir son attendrissement sans le partager ; ils pleurèrent ensemble. Alors il lui avoua qu’il avait aimé Rosalie ; qu’il avait formé le dessein d’en faire la compagne de son sort ; qu’il s’en était ouvert à madame Guillemette, et que cette femme lui avait assuré que Rosalie avait une passion dans le cœur. — Serait-ce cette malheureuse passion qui augmente son chagrin ? (ajouta-t-il). Rosette, surprise, indignée, admirait l’excès de méchanceté de la marâtre : elle ne répondait pas. — Je vois que j’ai deviné (reprit M. Belleslettres). — N’allez pas le croire, monsieur ! (s’écria Rosette) : il n’en est rien !… Oh ! quel monstre, qu’une méchante femme ! oh ! qu’un homme faible, et qui se laisse gouverner est coupable !… Je ne veux plus rien vous cacher : l’indigne Guillemette ne mérite aucun ménagement… Elle lui découvrit alors les vues infâmes de la marâtre ; sa haine pour Rosalie ; tout ce qui regardait Maculature, et les horreurs dont elle s’était assurée par elle-même. L’honnête homme frémissait… — Il faut la secourir madame : je suis riche, je veux lui consacrer un tiers de ma fortune : mais je la respecte trop pour exposer sa réputation ! c’est par vos mains que tout passera. — Oh ! monsieur ! nous ne réussirons pas… voilà le mal… Cependant, votre offre généreuse me pénètre d’estime… — Adressez-vous au mari. — Vous avez raison ! Qu’importe comment nous rendions meilleur le sort de celle que nous aimons ? — Digne homme !… Je le ferai.

À la première visite que Rosette rendit à madame Assemblage, elle lui parla de M. Belleslettres, et ne lui cacha rien (excepté son dessein généreux). — Je l’ai