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ET LA JOLIE PAPETIÈRE

figure était aimable, que Guillemette jeta les yeux. Elle le fit se décider pour la librairie, sans lui parler elle-même ; et lorsqu’il fut dans cet état, elle espéra que l’amour le rendrait aisément le maître du cœur de Rosalie. Elle multiplia les occasions où il pouvait lui parler seul, après lui avoir fait insinuer qu’il n’était pas indifférent. Ce moyen n’eut aucun succès. Rosalie n’avait point de répugnance pour le jeune Assemblage ; mais elle avait du goût pour un autre. Il fallut que sa marâtre agit directement. Elle proposa ce mariage à M. Lecture, et comme elle avait tout pouvoir sur son esprit, elle le détermina. Ce fut lui qui en parla un jour à sa fille. Rosalie n’avait pas d’objections ; car les jeunes filles ne songent guère à la fortune ; c’est l’affaire des parents et des tuteurs ; cependant, elle consulta son amie. Madame Grandraisin s’informa : la maison Assemblage se soutenait encore ; peu de gens étaient instruits de sa détresse, et ceux qui la connaissaient, tous créanciers, avaient intérêt que le fils trouvât un riche parti : Rosette n’apprit donc rien : cependant, elle n’était pas pour ce mariage : la seule raison qu’elle en donnât, c’est qu’une fille belle comme Rosalie, née dans un état aussi honnête que celui de la librairie, qui est égal à l’avocat et au notaire, devait trouver un parti plus avantageux qu’un jeune commerçant. Mais le père pressant vivement sa fille, à la sollicitation de Guillemette, et Rosalie, qui ne se doutait pas qu’elle fût adorée par l’homme qu’elle trouvait digne d’elle, n’ayant aucun des motifs puissants qui font résister les enfants à leurs pères, elle céda, et madame Grandraisin goûta les raisons de son obéissance.

Le mariage se fit avec précipitation ; madame Guillemette tremblait qu’il ne manquât. Jamais père n’agit plus étourdiment que M. Lecture : le lendemain du mariage, il s’aperçut que son gendre n’avait ni demeure, ni état, ni moyens de subsister. Il fallut qu’il le logeât, et qu’il le nourrit, non chez lui, Guillemette ne l’aurait pas souffert, mais dans une autre maison