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ET LA JOLIE PAPETIÈRE

sieur Grandraisin, que l’inaction ennuyait, ouvrit la porte : — Entrez ici, mesdames ; vous serez mieux. Et il prit par la main l’infâme Maculature, qu’il força d’entrer. — Tu vois (lui dit-il) que nous voilà, ma bru et moi, arrivés ici avant toi, misérable ! — Que signifie !… (s’écria Guillemette). — Paix ! madame ! (reprit le vieillard) ; nous savons tout, et vous venez de vous trahir vous-même ; nous avons tout entendu : vous êtes de concert avec cette malheureuse pour perdre votre belle-fille que vous détestez : rougissez de votre turpitude ! indigne marâtre ! Et qu’il ne vous arrive plus de vous mêler en rien de ce qui concerne mademoiselle Lecture ! J’ai votre secret ; je puis vous perdre… Mais par considération pour l’honneur délicat d’une jolie fille à marier, je serai discret, si vous êtes prudente. Renvoyez sur le champ cette infâme ; reprenez Brochure que vous avez chassée injustement, et dans de mauvaises vues ; à ce prix, je serai discret avec tout le monde. Je vous réponds de madame Grandraisin, ma bru, par laquelle j’ai tout découvert, puisque je l’ai précédée, de concert avec elle… Quant à toi, misérable, tu mériterais que je te fisse conduire chez un commissaire, et ton affaire serait sale comme ta vilaine âme : mais je ne veux pas faire d’éclat, à cause de la belle Rosalie. Maculature était à genoux, tremblante. M. Grandraisin lui ordonna de sortir de la maison sur l’heure ; ce qu’elle fit. Pour Guillemette, elle était dans un étonnement stupide. Elle voulut pourtant parler de son innocence : M. Grandraisin la pria de cesser un discours impudent. Brochure revint dès le même soir, et ce fut Guillemette effrayée qui la rappela. Maculature l’était bien davantage ! Elle n’osa retourner chez la fausse comtesse de Goupil, qui l’aurait maltraitée, et peut-être fait arrêter, en la chargeant de toute l’infamie de leur commune démarche ; car on juge ces sortes de femmes sans les entendre : ne sachant que devenir, elle s’adressa, par lettres, secrètement à Rosalie et à Guillemette : la dernière ne lui répondit que par des menaces ; la première lui