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ET LA JOLIE PAPETIÈRE

lorsque Rosalie venait à la maison, et elle reprit ses anciens propos, interrompus depuis quelques temps. Rosette que le mariage avait instruite, et qui naturellement était plus éclairée que Rosalie, fut très surprise de ce langage, dans une femme qui servait d’honnêtes gens ! Cependant, elle dissimula devant cette espèce de Jewkes : mais lorsque dans la même journée, Rosalie vint chez elle, la jolie papetière lui témoigna son étonnement des discours de la chambrière ! — C’est son ton (répondit Rosalie), et elle n’en change pas devant ma belle-mère qui ne lui dit rien. — Si ce n’étaient que des misères (reprit Rosette), de ces petits mots à double entente, qui cependant ne conviendraient pas avec toi, je concevrais cela ; mais des propos obscènes, des images… révoltantes, et telles qu’à peine se permettraient les hommes les plus libertins, cela n’est pas naturel !… Il faut que je te parle avec franchise, ma chère Rosalie ! On dit dans le monde que ta belle-mère est une marâtre, qui te déteste ; elle a renvoyé Brochure, que tu aimais, qui était honnête et plein de zèle pour toi ; elle l’a renvoyée sans cause ; elle l’a remplacée par un soldat aux gardes en habit de femme… Cela m’inspire de la défiance ! N’est-ce pas elle aussi qui a fait sortir le jeune Étendoir, en l’accusant auprès de ton père de lui en conter ?… Si tu veux, nous examinerons ces deux créatures et nous tâcherons de les pénétrer ? — Je n’ai aucune mauvaise opinion de ma belle-mère (répondit Rosalie), quoique je sache qu’elle ne m’aime pas, et que Brochure m’ait assuré que c’est elle qui souvent avait gâté mes habits et mon linge ; mais je ne saurais la soupçonner de noirceur. Quel fruit en retirerait-elle ? Je ne suis plus une enfant ! — Je ne sais quel fruit elle en espère ; mais sa Maculature m’a étonnée par son effronterie et sa turpitude ! J’en frémis encore !… Il me vient une idée ; je suis jeune ; je parais étourdie ; je vais la sonder ! Je soupçonne à cette femme des vues secrètes et très dangereuses, sur toi comme sur moi ! j’ai deviné sa pensée à ses regards : laisse-moi quelquefois seule