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ET LA JOLIE PAPETIÈRE

elle était extrêmement propre, elle passait un temps considérable à réparer les ravages de la marâtre ; mais elle riait ou chantait en faisant cet ouvrage, si cruel pour une jeune fille qui tient nécessairement beaucoup à sa parure ; à cet âge (souvent toute la vie), ce qui orne les femmes fait une partie d’elles-mêmes, et ce n’est pas celle qui leur est la moins chère.

Guillemette, n’ayant pu réussir par là, recourut à d’autres moyens : elle chassa l’ancienne chambrière, bonne fille et d’une grande intelligence, pour la remplacer… qui pourrait le croire ?… par une de ces malheureuses que leur laideur ou leur corruption a réduites à n’être que des servantes de la dernière espèce de créatures. La marâtre savait que les femmes de cette classe ont tous les vices, sont capables de toutes les horreurs, parce qu’elles manquent du sentiment qui fait distinguer le vice de la vertu. Dès qu’elle eût remplacé Brochure, fille honnête et bonne, par une femme telle que Maculature, elle se crut assurée du triomphe : elle ne douta pas que cette malheureuse, adroitement guidée par elle, ne corrompit le cœur et l’esprit de sa belle-fille, ne la fit tomber dans quelque faute grave qui lui fournit le moyen de la faire renfermer ou de la marier à quelqu’un de vil. Déjà elle avait un parti tout prêt. Déjà elle commençait à insinuer à M. Lecture qu’un Auvergnat crocheteur était ardent ; que pour peu qu’on le secondât, il irait plus loin que les enfants de bonne maison, et qu’il ferait une de ces fortunes capables d’étonner. Comme c’était une vérité qu’elle disait là, ses discours n’en étaient que plus séduisants ; mais ce qu’elle n’ajoutait pas, c’est que Ballotdepile était un brutal, un ivrogne caché, d’une probité peu sûre ; en un mot, un mauvais sujet : d’ailleurs, elle n’osait pas s’expliquer entièrement : aussi n’en était-il pas temps encore.

Par les ordres de Guillemette, Maculature était presque toujours avec Rosalie, elle lui vantait sa beauté, avec des expressions dont la jeune personne ne sentait pas toute l’indécence, mais qui, cependant, lui paru-