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LA BELLE LIBRAIRE
OU LA VIE DE LA ROSE ET LA MARÂTRE

LA JOLIE PAPETIÈRE
OU LA BONNE AMIE



Un beau jour de printemps je me promenais au Palais-Royal, seul, concentré, mélancolique, sans être triste. Un essaim de jeunes beautés, enfermées tout l’hiver, venait de prendre l’essor ; elles arrivèrent dans le jardin. Je le considérais avec plaisir, et je sentis un attendrissement délicieux ; mes larmes coulèrent : — Que la nature est belle ! (m’écriai-je), dans le plus intéressant de ces ouvrages ! dans la femelle de l’homme !… Tandis que cette pensée m’occupait, je vis sous les arbres un homme en noir avec une femme en satin couleur de tabac, et une jeune fille en fourreau de taffetas vert. Jamais encore mes yeux ne s’étaient fixés sur un objet aussi mignon, plus touchant que la jeune personne. Elle paraissait quatorze ans : un tendre incarnat colorait ses joues de lis ; sa taille annonçait des contours déjà parfaits ; son sourire était enfantin, naïf charmant, délicieux ; il ne fut jamais d’aussi jolie bouche. Je la regardais avec admiration : elle m’inspira de la curiosité ; je fixai le père ; je le reconnus pour un libraire, remarié depuis quelque temps à