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LA JOLIE VIELLEUSE

qu’ils doivent être que de ce moment. La sœur du comte rougit à ce discours de son frère, en lui disant : Je ne saurais me fâcher d’un pareil aveu, puisque vous ne le faites qu’après votre guérison, et qu’auparavant jamais votre conduite n’a rien eu de répréhensible…… Puis, me regardant : — Perle, me dit-elle, ce qu’il vient de dire donne une nouvelle force à mes conseils, et les rend même plus absolus. (Bas à mon oreille.) Fais-toi bien aimer, fût-ce pour toi-même, entends-tu, ma fille ?…… Ah Dieu ! qui l’aurait cru ? comme le cœur humain s’égare ! (Haut.) Mon frère, je dîne ici avec vous deux : cette enfant me plaît et m’est aussi chère qu’à vous : je n’ai jamais rien vu de si aimable, de si touchant, avec autant d’innocence… (Me faisant lever et marcher.) Elle est pétrie de grâces ! pas un défaut ! pas un de ses mouvements qui ne soit enchanteur !… Comme elle est faite !… Perle, reviens m’embrasser… Elle me fit un million de caresses, en me disant tout bas : — Rends-les moi, creusons l’impression dans son cœur : après l’aveu qu’il vient de me faire, je sens qu’en t’aimant et en te caressant, je te rendrai plus chère au comte : mais va, je suis mon cœur, tu me charmes…

» Je ne vous répète pas la millième partie des choses de cette espèce que me dit cette aimable dame. Nous dinâmes tous quatre ; car ma bonne mangeait avec moi. Nous nous promenames ensuite, et ma charmante amie ne nous quitta qu’à huit heures, qu’elle me laissa avec son frère, en me disant : — Laisse agir ton aimable naïveté ; soigne ta parure élégante et simple ; ne néglige pas l’instrument qui lui plaît ; surtout un peu de sévérité, si ses caresses deviennent trop vives, mais sans humeur ; que la pudeur le repousse, mais que le sourire demeure sur tes lèvres : Adieu, ma Perle ; je me trouve la plus heureuse des femmes, de ce que tu es aimée de mon frère : Je le chéris…… mais comme je le dois. Adieu, petite magicienne, tu me retiens plus que je ne voudrais. Adieu, adieu.