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LA JOLIE VIELLEUSE

tribuer à des motifs étrangers : ta beauté lui a fait surmonter le dégoût physique ; détruis, par la sagesse incorruptible, le dégoût moral. Je te réponds de ton sort : tu seras mon amie, et ta fortune surpassera tes espérances. Je veux tâcher de trouver par la suite une femme aussi aimable que toi ; je l’habillerai sous ce costume qui lui plaît ; elle sera ton égale, mais il ne le saura pas d’abord, et nous la lui ferons épouser. Qu’en dis-tu ? Ne veux-tu pas que ton bienfaiteur soit heureux un jour, qu’il ait des enfants qui perpétuent son nom, et qui relèvent sa famille ? Je te jure, ma petite Perle, qu’eux et moi non seulement nous t’ai merons, mais que nous te respecterons comme notre généreuse bienfaitrice ! — Tout ce que vous voudrez, m’écriai-je, trop charmante dame ! je ferai tout : parlez, ordonnez : votre petite Perle est toute à vous. Charmante enfant ! me dit-elle en me caressant, je n’espère qu’en toi ; c’est toi qui vas me rendre un frère adoré. Souviens-toi bien : tendre et réservée ; voilà ta devise. Du reste, tout ce que tu voudras ; accepte tous ses présents : loin de les trouver trop considérables, j’y ajouterai les miens… Il va venir : je veux l’attendre : je veux te caresser devant lui : tu passeras de mes bras dans les siens…

» À cet endroit de notre conversation, on entendit arriver le comte. Sa sœur me prit sur ses genoux, et ce fut dans cette attitude qu’il nous trouva. Elle est charmante, elle est… tout ce que tu peux désirer (lui dit-elle)… Je viens à l’instant de m’en assurer, c’est une âme naïve et pure autant que généreuse : aime-la, sans craindre ni ruses, ni fausseté, ni aucun de ces vices cruels qui empoisonnent le plus doux des sentiments : si la recevoir des mains de ta sœur chérie, comme tu m’as quelquefois nommée, peut lui donner un nouveau prix, je te la remets. Le comte me prit un baiser, me quitta, se mit aux genoux de sa sœur. Tu ne fus jamais si adorable qu’en ce moment, lui dit-il : mais toi-même, rends grâces à cette jolie Perle, c’est elle qui épure mes sentiments pour toi : ils ne sont ce