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LA JOLIE VIELLEUSE

était plus agée que moi, elle était moins fraîche ; mais elle avait beaucoup d’éclat. Il la fit mettre à table ; on nous servit des mets délicats ; le comte nous fit mille compliments, et nous traita toutes deux avec beaucoup d’égards, mais je paraissais l’intéresser davantage. Il nous garda jusqu’à onze heures du soir, qu’il nous ramena dans sa voiture à notre demeure. Comme je descendais la dernière, il me prit dans ses bras, et me dit : — Ma jolie Perle, songez que je ne vous oublierai pas : respectez-vous : je me propose de vous faire un sort : je rends grâces à la curiosité que m’avait inspirée votre sœur, puisque ça a été l’occasion de vous connaître. Je serai demain au même endroit : je vous ferai signe ; vous monterez dans ma voiture, et nous irons dans un lieu où je puisse vous entretenir en liberté de mille choses que vous m’avez aujourd’hui inspirées. Adieu, ma jolie Perle, à demain : vous me le promettez ? — Oui, monsieur le comte, lui répondis-je innocemment ; car je n’y entendais aucun mal.

» Le lendemain, je ne manquai pas au rendez vous ; mais je n’y arrivai pas la première : le comte m’attendait. Il me fit monter dans son carrosse ; car j’étais seule, et nous nous éloignâmes du Boulevard du Temple. Nous descendîmes à une jolie maison dans Mesnilmontant, et nous entrâmes dans un jardin enchanté. Le comte me conduisit sous un berceau et me fit asseoir sur ses genoux.

Je vous aime, me dit-il, ma Perle : j’ai toujours eu un faible pour les femmes de votre sorte, et ce costume est celui qui me plaît davantage : il faut que vous soyez ma maîtresse, bien fidèle, et je vous jure d’assurer votre fortune. Mais vous continuerez votre état ; quoique vous soyez tout attrayante à mes yeux, votre profession est ce qui me plaît davantage en vous ; je ne puis résister à ce charme-là. Je lui répondis qu’il me ferait beaucoup d’honneur ; mais que je ne savais pas ce que c’était que d’être la maîtresse de quelqu’un et surtout d’un homme comme lui. Il me l’expliqua. Mon étonnement lui fit sentir toute la naï-