Page:Restif de La Bretonne - Les Contemporaines, (Charpentier), tome 2, les Contemporaines du commun, 1884.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
LES HUIT PETITES MARCHANDES DU BOULEVARD

à la beauté même. — C’est ben de l’honneur qu’ça m’fait !… Où ç’qu’a’ d’meure donc, m’ame la marquise ? — Dans c’t’aute aile de l’hôtel. — J’voudrais ben la voir, pour voir, si j’ai tant d’mérite qu’vous dites, à vous rende infidèle. — Quelle idée as-tu la ? — J’veus voir c’que j’vaus moi ? — J’y consens, m’dit’i’, à condition qu’si ma femme est jolie, tu m’donneras ta rose, m’dit-i’ ? — Pour rien ? — Non, parbleu, m’dit-i’… Mais qu’as-tu besoin de voir ma femme, m’dit-i’ ! (et i’ voulut encore mete la main sous mon fichu). Dam’ ! moi qui c’mençais à me fâcher, j’vous l’étendis d’travers sur les fauteuyes. — Tu veus donc absolument voir ma femme ? — Oui, monsieu, sans quoi, rien. — I’ faut t’satisfaire. Suis-moi par ce p’tit escalier. Je l’suivis, dans un p’tit coridor, qui me m’na jusqu’à la porte du cabinet d’la marquise, qu’était assise sur un sofa, belle comme une fée : A’ lisait. Qu’all’est belle, dis-je tout bas au marquis : Ha ! ça me fait ben d’honneur ! J’vis qu’ça lli f’sait plaisir, de c’que j’louais sa femme : car i’m’disait : — N’est-ce pas qu’elle est belle ! (m’dit-i’). Moi j’lli f’sis signe qu’i’ m’la laissît encore voir. Mais i’m’tirait par la jupe : si ben qu’i’fit du bruit. La marquise leva les yeux de d’sus son live, et a’dit : — Qu’est-ce ? Moi, voyant que l’ marquis m’avait quitté ma jupe, j’vou’entra, en répondant : — Maʼme la marquise, c’est moi… A’ me r’garda, ben surprise ! son mari, encore pûs étonné, restait-là : — Qui êtes-vous ? que voulez-vous ? ma fiye ? (m’fit-elle.) — J’m’en vas vous l’dire, madame. J’ai demandé eune grâce à M. le marquis votre épous, que j’sis venue trouver ici. I m’a dit, comme ça : Ma fiye, vous êtes jeune, assez gentiye : si je vous oblige, n’on dira qu’ vous êtes ma maîtresse ; t’nez, m’a femme est bonne ; v’nez vous en par ici, cheus elle ; d’mandez-li sa protection, en vous r’clamant de moi ; ça vaudra mieux. — Ha ! ma fiye ! de tout mon cœur (m’dit-elle)… Où est M. le marquis ?… ce trait est charmant de sa part ! Le marquis entra. — Je vous recommande cette jeune fiye (dit-i’à la marquise) : i’sagit d’la marier avec un