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LES HUIT PETITES MARCHANDES DU BOULEVARD

gnonne, surprise de cette invitation, ne savait que répondre. Le comte l’instruisit en gros, et la relation que cette affaire lui donnait avec elle augmenta son attachement et son goût. Mignonne ne pouvait revenir de son étonnement ! elle ne faisait de mal à personne, et elle s’apercevait, depuis quelque temps, que tout le monde lui en voulait. La conduite des plus aimables boulevardières à son égard la flatta néanmoins, et voyant que le comte lui témoignait beaucoup de bonne volonté, elle le pria d’être du dîner, pour voir ce qui allait en résulter ; car elle n’était pas sans crainte. Il lui dit qu’il avait déjà promis. Ainsi tous deux se rendirent chez la belle traiteuse, où ils trouvèrent le dîner préparé. Les sept jeunes marchandes embrassèrent Mignonne avec les démonstrations de la plus vive amitié. On se mit à table : on causa d’abord très bruyamment de l’affaire de Mignonne, qu’on instruisit de tout le complot. Le comte assura qu’il n’était pas difficile de le faire échouer. Ensuite, il remercia les jeunes boulevardières de leur boune volonté pour Mignonne et pour lui, déclarant qu’il les prenait toutes huit sous sa protection, et qu’il voulait payer le régal. — Je ne vous le cache pas (ajouta-t-il), que j’aime cette jolie enfant : mais elle est sage, et je n’ai pas encore attaqué sa vertu : c’est un fait certain. — Hé ! quant à vous aimerait, et que… vous m’entendez ?… pourvu qu’vous fussissiez l’seul, qu’est-ce qu’ça f’rait (dit l’épinglière) ? — Mais cela n’est pas (répondit le comte) : je ne suis pas riche ; je ne puis me marier par cette raison, d’une manière avantageuse, dans ma condition : encore moins épouserais-je une fille comme Mignonne ; ce serait me déshonorer aux yeux du monde : mais je l’aime tendrement ; si elle trouve un parti, je ferai quelque chose pour elle ; et afin que son mari futur ne puisse jamais rien lui reprocher, à mon sujet, il ne faut pas que je la voie jamais chez moi, ou ailleurs en particulier : mais devant tout le monde, je ne me refuserai pas ce plaisir-là. Que je suis fâchée que vous soyez comte (lui dit Mignonne la