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LES HUIT PETITES MARCHANDES DU BOULEVARD

reux, ni nos pratiques ! La batte qui voudra ; ça n’s’ra toujous pas moi, et j’l’avertirais ben plutôt. — Oui ! (s’écrièrent toutesces filles ensemble), il la faut avertir : car c’est indigne d’battre une fiye, et une fiye comme ça, qui n’a pas plus d’défense qu’une enfant.

En conséquence, les sept petites marchandes se proposèrent de soutenir Mignonne contre ses ennemies. Pour cet effet, elles députèrent la gaufrière pour aller avertir le comte, dès qu’il paraîtrait au boulevard. Les six autres firent en même temps préparer chez la belle traiteuse Guénégaud un bon dîner, auquel chacune avait invité son amant.

Cependant la députée ayant aperçu le comte qui cherchait Mignonne des yeux, elle l’aborda : — J’crois qu’a n’est pas encore arrivée, monsieur l’Comte : mais a’n’tard’ra pas. J’vous dirai, en attendant, que j’crais qu’all a du chagrin : et j’m’en vas vous expliquer ça. Ignia ici des marchandes qui lli en veulent, à cause qu’all réussit mieux qu’eux : all’ l’ont décriée, la faisant passer pour coucher avec des libertins, et même avec vous. J’nous sommes liguées sept, contre la ligue des méchantes, et j’alons dîner tout’ensembe cheuz la belle traiteuse, avec Mignonne, que j’alons inviter, et queuques bons garçons, nos amoureux, pour voir comme j’riverons l’clou à ces langues de vipères-là. V’lez-vous ête d’not’ dîner, monsieu’l’Comte ? vous nous donnerez vos conseils ; v’nez ; pûs on est de fous, pûs on rit… Mais, t’nez, vlà Mignonne qu’arrive… v’nez-vous ? — Oui, j’irai ; dès que vous êtes amies de Mignonne, vous êtes les miennes : et je veux employer tout mon crédit à lui donner du soutien. Je m’apercevais bien depuis quelque temps qu’elle était décriée, mais je ne savais pas d’où cela venait. Qui sont ses ennemies ? — Vous allez voir ses amies en dinant avec nous ; et on vous nommera ses envieuses, pour que vous les c’naissiez. Appelez Mignonne. Le comte l’appela. — J’t’invitons à dîner (lui dit la gaufrière), avec M. l’Comte, qui l’veut ben, n’tardez pas : tout doit être prêt ; j’m’en vas prévenir mes camarades. Mi-