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LES ÉPOUSES PAR QUARTIER

— Il est, ma foi, cocasse, ma femme ! Oui. — Eh bien, elle se nomme comme la fête de demain. — Oui ! — Oui, monsieur, oui ; connaissez-vous l’Almanach ? — Non. — Miracle ! il a dit non, ma femme !…. Eh bien ! elle se nomme Anne, Nanette, ou Annette, comme on lui dit chez elle ; et, de plus, mademoiselle Tarandin. — Bien obligé, l’ami : voilà six francs pour votre peine, et la manière honnête dont vous m’avez répondu. — Grand merci, Monsieu’ ! Vous savez pourtant dire autre chose que oui ! — Mais ce mot est celui que je dis le plus volontiers, l’ami. — Tant mieux ! vous ne refusez personne.

Le lendemain, ou le soir même, M. Oui (car il résolut de prendre ce nom, et de se donner un nouveau domicile, près la barrière du Trône), écrivit une lettre à M. Tarandin, maître balancier, où il lui marquait que, dans l’après-dinée, un homme, qui était lui-même, irait lui demander sa fille en mariage : qu’il lui écrivait, pour abréger les préliminaires de la connaissance, en lui disant par écrit, qu’il était encore jeune, et qu’il avait quinze mille livres de rentes, outre une occupation avantageuse, et qui en valait dix mille par an. Si cette lettre fit plaisir au balancier, ainsi qu’à sa femme ; si elle flatta leur fille, qui, étant jolie et le sachant fort bien, fut enchantée de devoir sa fortune à sa seule beauté, elle les surprit encore davantage ! M. Oui, qui s’imagina que sa fortune n’était faite que pour son bonheur, voulut essayer de ce troisième mariage, et se rendre trigame, pour voir comment cela ferait. Il avait si bien réussi avec la jolie bourrelière qu’il espéra s’en tirer de même avec la jolie balancière : il plaignit le sort des hommes qui n’ont qu’une femme, et s’étonna comment ils pouvaient s’y tenir.

Lorsqu’il jugea que sa lettre devait avoir produit son effet, et que la sensation qu’elle avait causée devait être plus calme et plus réfléchie, il se rendit chez le balancier, après néanmoins avoir fait préparer sa maison du faubourg Saint-Antoine, où il fixa son domicile sous le nom de M. Oui. Je suis, monsieur (dit-il en entrant), l’homme qui vous a écrit : j’ai ouï