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LES ÉPOUSES PAR QUARTIER

À dix heures du matin, si vous le voulez… Cependant, il ne le faudrait pas, je crois, à cause de la rumeur que cela ferait, et qui serait désagréable pour l’homme, ainsi que pour votre fille elle-même. — En ce cas (répondit la vitrière), il n’y a rien à risquer : mais je mets pour condition, que le monsieur ne parlera jamais à ma fille que sous mes yeux jusqu’au mariage ? — Le monsieur, c’est moi-même, et je me soumets à la condition. — La connaissance est bientôt faite ! (reprit la mère). — J’ai des raisons qui ne sont qu’à moi et qui n’influent en rien sur ma conduite avec votre fille. Me voilà déterminé : je vais me faire connaître. M. de Valenclos, qui n’était pas bien aise que dans ses connaissances intimes on sût qu’il allait épouser la fille d’un pauvre vitrier, ne donna pas sa demeure ordinaire, mais il indiqua une maison au faubourg Saint-Denis, où il allait passer dans la retraite le temps qu’il donnait à ses affaires, et à la culture d’un petit jardin qu’il aimait passionnément : il était regardé dans ce quartier comme un bourgeois aisé, il s’y était fait estimer. Il se proposait de former sa femme dans cette solitude, qui n’en serait pas une pour elle, et de la montrer ensuite brillante, et douée de mille talents, parmi ses égaux en fortune. Les informations que fit le vitrier, ou plutôt sa femme, donnèrent la meilleure opinion du gendre futur. Ainsi les difficultés se réduisirent aux arrangements ordinaires. M. de Valenclos les fit avantageux à la future ; il lui donna des robes, des bijoux : toute la dépense roula sur lui ; on publia les bans ; et un mardi matin, à six heures, le mariage fut célébré : la noce se fit avec les parents de la fille, et quelques connaissances que le marié avait au faubourg.

Ce fut ainsi que se terminèrent assez brusquement les incertitudes, où la beauté de ses trois premières maîtresses avait jeté M. de Valenclos. Il aima tendrement sa nouvelle épouse, dont les charmes se développèrent après le mariage : elle avait le son de voix d’une douceur angélique, et l’âme