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LES ÉPOUSES PAR QUARTIER

chercha celle qui lui conviendrait, et il la trouva. Mais elle ne fut pas seule. On sait que chaque étage a ses beautés, et qu’en parcourant les classes, on remarque dans chacune quelque jeune personne à qui, dans son caur, on donne la palme, et dont on dit tout bas : — Si j’étais riche, j’épouserais cette jolie fille-là. Si on en a vu plusieurs également aimables, on s’occupe de toutes agréablement. Les sens et le cœur s’embrasent ; on les désire toutes : le manque de fortune fait que cela n’est pas de conséquence : mais si l’on est riche, on est tenté de se satisfaire, de séduire, etc. Or M. de Valenclos avait été pauvre, et il était riche.

La première belle fille qu’il remarqua n’était pas d’une condition bien relevée : c’était la fille d’un bourrelier : mais c’était une brune piquante, qui, sous ses habits de grisette, avait une sorte de goût qui séduisait. — Voilà une jolie fille (pensa de Valenclos) ! mais comme Paris est grand, et que je pourrai en trouver une plus jolie, je pensé, qu’il ne faut pas me déterminer encore : cependant mettons-la sur nos tablettes ; j’y reviendrai, si je ne trouve rien qui me flatte davantage.

Jusque-là c’était penser fort sagement !… Il continua ses recherches ; et, un soir qu’il passait à pied dans la rue de la Ferronnerie, il aperçut dans la boutique d’un balancier une blonde charmante ; taille de nymphe, sourire des Grâces, chevelure touffue et bien plantée. — Celle-ci vaut mieux (pensa-t-il) ; il me semble qu’une blonde me plairait mieux qu’une brune ; la couleur de ses cheveux est plus riante… Cependant sondons-nous encore ! qui me presse ?

Il continua sa route, après cet examen, et il écrivit sur ses tablettes la demeure et le nom du père de la blonde : il se proposait de comparer les deux belles, et de se déterminer d’après un mûr examen.

Il le fit ; et loin de se décider, il fut plus embarrassé que jamais. En voyant la brune, sa vivacité, son œil noir, ses cheveux comme le jais, qui faisaient res-