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LA JOLIE FILLE DE BOUTIQUE



Un riche libraire, non de ceux qui vendent au public ces mortels poisons qu’on appelle romans ; tels surtout que la Nouvelle Héloïse, les contes de Voltaire, ceux de Marmontel, ou les ouvrages de Prévost, des pièces de théâtre, etc. ! mais un libraire sérieux, ne faisant que l’ancienne librairie, ou n’imprimant que des Lettres contre les spectacles, des Entretiens sur les romans, les rapsodies, de Carac… les radotages des mystiques, et d’autres bons livres. Ce riche libraire avait, par dévotion, une haute antipathie pour le mariage. Cependant, lorsqu’il sortait de chez lui, les jours du Seigneur ou des saints, il était enchanté de voir un jeune époux, tenant sur son bras la main délicate de son élégante épouse ; il lui sembla qu’une pareille compagnie était plus agréable qu’un livre de moëlle teologique, ou que l’Instruction de Pénitence, ou même que l’entretien d’un cafard. Mais, avant de prendre le parti du mariage, que la raison sollicitait, il consulta la tourbe de béats qui achalandait sa dévote boutique. — Vous n’y pensez pas, lui dirent-ils, mon cher frère ! Le siècle est trop corrompu ! il n’est plus possible de se sauver dans l’état du mariage. Vous ētes éclairé ; servez-vous de vos lumières pour embrasser l’état saint du célibat, qui est le plus parfait.