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LA PERFIDE HORLOGÈRE

l’amant de la nièce, qui les abandonnèrent, et les laissèrent fort embarrassées. Il fallut avoir recours à d’autres. On alla faire des connaissances au Palais Royal, et après plusieurs essais dans une soirée, qui ne produisirent pas grand chose, on prit enfin dans les filets de Vénus un M. Doillot, homme riche et âgé, qui, s’il ne promettait point l’agréable, devait au moins donner l’utile et le nécessaire. C’est ainsi que le crime était déjà puni par l’avilissement, avant même que les lois protectrices des honnêtes citoyens eussent mis en liberté le vengeur légal des déportements de la perfide horlogère.

Doillot, séduit par les attraits de Théodosie, se chargea de son entretien. Il la garda quelques mois, au bout desquels, rebuté de ses fréquentes demandes, et davantage encore de ses allures (ce fut son expression), il résolut de la quitter. Mais comme il demeurait dans un quartier où elle était connue pour la femme de Macé, sans y être encore aussi déshonorée qu’elle le méritait, il voulut s’en faire honneur ; il se vanta de l’avoir quand il la voulait, et ne déguisa pas le motif qui la lui faisait abandonner. Ces bruits parvinrent aux oreilles de Macé, qui n’était plus alors au secret, et ils devinrent la base principale d’un mémoire qu’il fit dresser, et signer, tant par sa famille que par celle de Théodosie, pour demander contre cette femme et contre Brunehaut un ordre du roi qui les confinât dans un couvent.

Cependant M. Doillot quitta son infidèle et insatiable maîtresse. Ce fut alors que les deux amies, ou plutôt les deux complices, se réunirent dans une maison de la rue des Deux-Écus, dont les appartements ont deux issues et deux escaliers. Chacun de ces appartements a quatre pièces, qui forment le fond de la cour. La tante et la nièce trouvèrent cette habitation très commode ; elles la louèrent, cachèrent la porte de communication, et parurent, aux yeux de leurs connaissances non communes, avoir chacune un petit appartement de deux pièces, avec un cabinet de toilette.