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LA PERFIDE HORLOGÈRE

çut de l’idée favorable que son nouveau galant prenait d’elle, et y fut assez peu sensible : que lui importait comment on la regardât, pourvu qu’on satisfit son penchant au libertinage, et qu’on aidât à ses folles dépenses ? Aussi montra-t-elle dès ce premier soir une étourderie et une inconséquence dignes d’une Laïs. Brunehaut la secondait : leurs discours, leurs jeux indécents, tout semblait démentir ce qu’annonçait leur maison. M. Caux ne savait qu’en penser, lorsqu’une domestique affidée vint leur annoncer la rentrée de Macé. — C’est mon mari, que cet ours, dit Théodosie : il faut nous laisser ; nous nous reverrons demain. On aura soin de vous dire les heures où vous pourrez venir : car c’est un jaloux, qu’il sera délicieux de du per de toutes les manières. Ce langage fit connaitre à M. Caux qu’il avait affaire à une femme mariée. Il sortit par une porte secrète, en promettant de se trouver de bonne heure au Palais-Royal.

Cette connaissance se fortifia très promptement : Macé en fut instruit et voulut y mettre ordre. Occupé de cette idée, il quitta sa femme le 29 avril 1781, à deux heures, et à quatre heures et demie du soir, il la surprit dans les bras de M. Caux, habillée absolument comme les Grâces. Une pareille vision ne fut jamais agréable pour un mari : il en est qui, dans ces occasions, immolent plus d’une victime. Macé sut se modérer ; il mit à la porte le galant, sans user envers lui d’une formule que les circonstances eussent rendue excusable ; et, quant à sa femme, il se borna, dans ce moment cruel, à de fortes représentations, accompagnées d’une menace de la faire mettre au couvent pour six mois. Quelque autorisé que fùt Macé à parler de la sorte à son épouse, les femmes de Paris sont, pour la plupart, trop hautaines pour le supporter. Aussi la coupable horlogère en fut-elle cruellement blessée ! et Brunehaut, nièce de son mari, le fut encore davantage.

Cette dernière n’était plus chez son oncle : elle en était sortie sous prétexte de s’occuper pour son