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LA PERFIDE HORLOGÈRE

accompagnés de sourires mystérieux, de petits coups sur les mains ou sur la joue, de la part de Théodosie, etc. Macé fut enchanté de cette bonne intelligence, entre une épouse adorée, et une nièce qui lui tenait lieu de la plus aimée de ses sœurs : ainsi, tranquille sur le compte de sa femme, il ne s’occupa que de son commerce, qui était florissant. En effet, sa boutique ne désemplissait pas : mais c’étaient plutôt des galants que des acheteurs. Bientôt la belle horlogère fit un choix ; il tomba sur un M. Billetout, qui avait une charge assez considérable dans sa province. Cet homme trouva le secret d’intéresser ; il fut préféré à tous ses rivaux, et ses visites devinrent régulières. Macé était confiant ; mais la familiarité de sa femme avec cet étranger devint si frappante que, malgré la présence de la nièce, les voisins en parurent scandalisés. Macé, instruit par eux, défendit sérieusement à M. Billetout de revenir chez lui, et se vit même obligé de le mettre à la porte. Cependant il ne maltraita pas une épouse qu’il chérissait : il la croyait innocente ; ou du moins, elle n’était coupable, à ses yeux, que d’une imprudence de jeunesse. Il pria sa nièce de veiller sur la conduite d’une tante plus jeune qu’elle, et de l’avertir de ce qui se passerait. Macé fut trahi et non servi par sa nièce.

La maison était interdite à M. Billetout par le mari ; mais la femme eut soin de l’en dédommager. Pour lui faire savoir s’il pouvait entrer, lorsque l’horloger était occupé ou absent, il y avait un cartel de pendule, qu’on voyait à travers les carreaux ; une aiguille placée à la main, indiquait combien il y avait de temps que le mari était sorti : celle des minutes était sur l’heure où il devait rentrer. Billetout se réglait là-dessus, et, tandis qu’il était avec sa maîtresse, la nièce faisait le guet sur la porte, pour les avertir. Malgré cette attention, les voisins qui s’apercevaient de l’intrigue, entraient souvent dans la maison, en profitant d’un instant où la nièce était occupée où distraite ; souvent même on l’appelait exprès d’une boutique