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mais ne se rend pas. Dans l’état actuel d’opiniâtreté des doctrines et de délabrement des idées, nous avons pensé que l’Uchronie d’un moine du XVIe siècle pourrait n’être pas un complet anachronisme parmi nous. Ce n’est pas que nous nous fassions la moindre illusion. Nous n’ignorons ni la puissance des habitudes intellectuelles, ni la difficulté de faire bien accueillir des hommes la responsabilité que leur apporterait la croyance en l’efficacité de leurs volontés libres, au lieu de la commode placidité de l’optimisme : ce ne serait rien moins que la rénovation définitive du genre humain, l’avènement d’un nouvel homme, mieux nommé que celui dont nul n’a encore vu la face, le nouvel homme de l’Évangile. L’Uchronie n’aspire pas si haut. Mettons qu’elle ne soit pas vraiment un signe des temps, un tout petit commencement de quelque chose de grand ; n’y voyons qu’une conviction, une direction d’esprit toute personnelle, aujourd’hui comme il y a trois siècles. Examinons alors ce fait curieux. Puisse-t-il nous faire penser. C’est tout au moins une mise en demeure adressée aux partisans nouveaux, sérieux, trop peu résolus peut-être, d’une liberté humaine, réelle dans le passé qu’elle a fait et qu’elle aurait pu ne pas faire, et grosse d’un immense avenir, dont sa propre affirmation doit être le point capital.