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favorisée, en ce cas, par ce qui s’était conservé des vues stoïciennes sur l’action divine, trouva un obstacle dans l’idée fondamentale de la descente de l’Être. En effet, du côté du principe divin, on visait au plus grand affranchissement possible de tout ce qui peut se définir comme une matière de propriétés : le supérieur n’est pas affecté des modalités qui caractérisent l’inférieur ; et, du côté des produits de l’émanation, on n’admettait pas que rien pût s’élever d’en bas ; tout vient d’en haut et la dégradation de l’Être a pour terme, en style symbolique, les ténèbres ; en style logique, l’indétermination ou le néant. Il ne se trouve point de place, au fond de la nature, pour une puissance active, pour une substance développant spontanément des modes. À vrai dire, et en dépit de la non-participation supposée du principe émanant aux qualités de l’émané, que celui-ci inversement dérive de lui, c’est comme un influx du premier qu’on se représentait ce qu’ils possèdent de vertus. La théologie du christianisme, à plus forte raison, puisqu’elle n’avait point pour cela à se contredire, a fait remonter au Créateur toute activité réelle, toute vraie causalité. Dans certaines hérésies, la substance divine recevait une interprétation cosmique et panthéistique ; en ce cas, la doctrine prenait une signification substantialiste, équivalente à celle qui, procédant en sens contraire, aurait divinisé le monde. Mais d’une manière générale, la scolastique n’a dû donner au sujet universel, en dehors de Dieu, que le sens logique, indéterminé ou négatif, de l’ὑποκείμενον aristotélicien, tandis qu’en Dieu, elle ne plaçait le tout-être réel qu’en l’accompagnant des dogmes de la création et de la liberté.