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nière dont est compris le rapport du Monde à son principe, mais quand la réalité s’établit constamment dans l’ordre de la descente, des Idées aux âmes, comme chez Platon, et que la démiurgie est une œuvre symbolique (dont les matériaux n’ont point par eux-mêmes de qualités définies), l’idée ancienne de la Substance se perd. Elle est remplacée par le concept de l’indétermination et de la virtualité, ou puissance, logiquement antérieure à l’actualité des choses ; c’est-à-dire qu’elle se réduit à son sens catégorique abstrait, à une forme de l’entendement. Telle est au fond, malgré ce qui se dit ordinairement de la matière préexistante que supposerait une création démiurgique, l’idée platonicienne de la substance, ou de la matière ; et l’idée aristotélicienne qui lui correspond n’en est pas très différente, quoiqu’il n’y ait point une descente, cette fois, mais une ascension.

XXVIII

La substance dans l’aristotélisme. — La notion de substance, dont nous suivons les applications depuis l’origine de la philosophie, n’est pas représentée chez Aristote par le terme d’οὐσία, que la plupart des traducteurs ont la fâcheuse habitude d’interpréter à l’imitation des latins par substantia. Elle répond aux idées de sujet, matière et puissance, et, dans sa plus grande généralité, au terme ὑποκείμενον, avec un sens indéterminé, tandis que le sens premier de l’οὐσία connote réalité et actualité. De même qu’une matière donnée a les contraires en puissance, et passe d’une forme à une autre par l’intervention de la privation, de même le