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fallait pas appeler panthéistes leurs auteurs, car ils sont athées.

Une autre raison qui a dû éloigner d’eux le caractère de l’émanation, c’est le manque de sentiment et d’images dans les procédés, exclusivement intellectualistes, imaginés par leurs auteurs pour le conditionnement progressif de l’Inconditionné ; et c’est l’absence de toute idée de vénération pour le principe, et de chute pour le produit. Les philosophes de cette école ne voient ni, sous l’aspect logique de la création, l’abîme entre l’Inconditionné, qui est un mot, et la vie, qui est action et amour ; ni, sous l’aspect moral, l’écart de la nature par rapport à l’idée du bien. Sur le premier point, le reculement de l’origine à l’infini du temps est pour eux la source d’une illusion qui semble diminuer l’insolubilité du problème tel qu’ils le voient : il a pour effet de supprimer la pensée de l’Inconditionné lui-même comme existant à aucun moment, puisque, à tout moment, tout est conditionné ; une absurdité les sauve d’une autre. Sur le second point, la doctrine du progrès universel, tout arbitraire qu’elle est, sans l’ombre d’une preuve, ressemble à une solution, parce qu’elle prête à l’Inconditionné, qui, en lui-même est le non-être, une manière de devenir et d’être. Et c’est ce devenir qui est, qui est le bien. L’optimisme est un caractère commun à toutes les branches de ce réalisme moderne. Là où la négation du progrès et le jugement pessimiste de la condition du monde s’y sont à la fin substitués, là seulement le système de l’émanation s’est trouvé reconnaissable, et a ramené les idées de chute de l’Absolu, et de retour du monde à son principe (doctrine de Schopenhauer).