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compte logique du passage de l’un à l’autre, devait naturellement conduire à l’image de l’émanation pour se le représenter. De concept proprement dit, il n’y en a point. L’imitation, la participation, termes vagues, désignent, en tout cas, des actions qui partent d’en bas et non d’en haut. L’absolu de Platon, le Bien, se distingue d’ailleurs beaucoup, par le genre de perfection qu’il vise à désigner, de la substance des panthéistes, ce sujet universel qui développe la série des phénomènes comme ses propriétés au cours du temps, et qui n’est parfait que par l’assimilation de la succession nécessaire de ses modes à l’immutabilité. L’image de l’émanation est la seule qui procure l’illusion d’un être immuable, toujours rayonnant, produisant à son insu, sans action de sa part, et sans perte de substance, un intarissable cours de phénomènes. Le Père des Idées, générateur symbolique, pouvait prendre pour l’imagination cette forme, sans descendre lui-même dans le monde de la multiplicité et du changement, surtout si l’on imaginait un intermédiaire qui parut diminuer la profondeur de chute de l’émané.

L’absolu aristotélique de la Pensée ne semblait pas appeler, comme l’absolu platonicien, l’application du symbole de l’émanation pour établir un lien entre le Conditionné et l’Inconditionné, et fournir l’image d’un commencement du monde, qu’au fond l’on ne supposait pas être un commencement réel. De ces deux absolus, c’est même celui d’Aristote qui se passait le mieux d’un concept quelconque d’origine des choses ; mais ils avaient cela de commun qu’ils bannissaient le concept proprement dit de la création, l’un en n’admettant, pour rattacher l’inférieur au supérieur suprême, que la loi de finalité, l’autre, en séparant la cause ultime qui