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sible de lui démontrer l’illégitimité de l’exception qu’il réclame.

Un exemple capital du premier cas résulte de la comparaison de l’hypothèse de la somme finie des phénomènes avec celle du déterminisme. Il y aurait contradiction entre la donnée supposée d’un premier commencement des phénomènes, et la nécessité, qu’on admettrait, que tout phénomène fût déterminé par des antécédents, multipliés sans fin. Le finitisme implique donc la négation du déterminisme absolu, s’accorde avec le libre arbitre et l’accident. Mais la réciproque n’est pas vraie. L’indéterminisme n’implique pas logiquement la négation de l’infini actuel. On peut à la rigueur admettre le procès à l’infini des phénomènes dans le temps et dans l’espace, et ne pas laisser de croire à l’intervention de faits nouveaux et à des commencements de séries dans le cours des choses, comme des points d’inflexion dans une courbe. C’est, il est vrai, une dérogation à l’idée pure de la continuité, mais on n’y saurait montrer une contradiction formelle.

D’autres propositions de nos dilemmes ont leurs réciproques admises dans de très importantes doctrines, alors qu’on ne peut les appuyer d’aucun argument réel. Les philosophes qui admettent l’existence de l’Inconditionné comme démontrée par l’existence du monde, admettent implicitement la réciproque, c’est-à-dire l’existence du monde comme dépendante de celle de l’Inconditionné ; leurs doctrines d’émanation, d’évolution ou de création ne sont précisément que cela ; cependant l’idée même de l’Inconditionné ne se prête pas logiquement à ce qu’on mette les phénomènes en rapport avec ce qui existe indépendamment de tout rapport : la chose, sans conditions ne doit pas créer des conditions pour les phénomènes.