Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

force, en un tel moment de la spéculation philosophique. Il faut ou maintenir le réalisme, en ses deux méthodes, et laisser le litige de l’empirisme et de l’absolutisme se juger entre elles, mais opiner en tout cas que la conscience est un produit de quelque chose d’inconscient qui est à définir ; ou croire que la conscience est le fondement de la réalité, la vivante unité de l’individuel et de l’universel, dont la plus haute expression qui nous soit connue, à l’état multiple, est la personne humaine, et dont l’idéal d’unité et de perfection individuelle est Dieu. Individuelle par essence, la conscience est, en effet, dans cette hypothèse, l’universel fondement du monde, en sa multiplicité composant l’ordre créé, et, à la fois, la représentation intégrale de cet univers, dans la Souveraine Intelligence qui en réunit et en fait régner les lois.

Dans l’hypothèse de l’inconscient primitif, la nature humaine est un produit instable de la nature des choses. Une fin de l’homme en tant qu’être individuel ne correspond pas rationnellement à la supposition de cette origine où n’entre aucun principe de détermination intellectuelle, non plus qu’aucune loi morale ; mais, par sa nature animale, transmise et évolutive, cet être périssable a son moment dans son espèce, ainsi que son espèce a sa place et son temps dans le règne général de la vie, dont chaque produit a ses conditions d’existence dans les autres. Et de même qu’il n’apparaît point de raison pour que l’individu mental, c’est-à-dire l’animal doué d’une conscience propre, ait comme tel sa perpétuité, ou des retours périodiques assurés, de même on n’en voit point pour que la marche du monde soit dirigée dans un sens qui conduise à la production spontanée des dieux, comme les auteurs des anciennes théogonies