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étrange encore que la vision en Dieu de l’oratorien son rival. L’empirisme seul ayant survécu, par l’effet du mouvement antithéologique des esprits au xviiie siècle, eut seul aussi la direction du travail en psychologie pure, tandis que Kant et ses disciples, quelle que fût leur supériorité logique et psychologique sur l’école anglaise, composaient, en métaphysique, des doctrines réalistes fondamentalement négatives de l’individualité et de la personnalité. Or la psychologie empiriste, en Angleterre et en France, s’est trouvée par sa méthode même hors d’état de produire la synthèse de l’esprit et de ses lois coordonnées dans la conscience : dans la conscience, en tant qu’unité de l’individuel et de l’universel de la connaissance, et forme essentielle de la réalité.

Dans tout le cours de l’histoire de la philosophie et des religions, nous voyons la méthode réaliste dominer l’esprit humain, s’appliquer en mille manières, et se montrer partout l’obstacle au dégagement d’une vraie doctrine de la personnalité. Dans les mythologies grecque et latine, un réalisme physique est le principe des personnifications de qualités ou forces naturelles : personnifications que la réflexion combat, et qui plus tard s’oblitèrent en ne gardant que le sens de symboles. Un réalisme d’idées s’applique déjà à des qualités mentales, à des vertus. Les philosophes mythographes suivent l’instinct populaire, en cette double voie. Le panthéisme ionien est un réalisme physique, avec immanence de l’agent moteur, auquel Empédocle et Anaxagore substituent des idées réalisées : celui-ci, du genre intellectuel, et une seule ; celui-là, du genre passionnel, et au nombre de deux, pour expliquer la loi des phénomènes. L’atomisme est une autre sorte de réalisme physique, dont les sujets sont empruntés à une