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tion et avec la personnalité du Créateur, ainsi que Leibniz la présentait, et la mieux conçue pour représenter un idéalisme posant l’identité de l’être et de la conscience ; mais Leibniz entendit que chacune des monades instituées à l’origine en rapport les unes avec les autres eût reçu de Dieu le principe interne et la loi infaillible du développement prédéterminé de tous ses phénomènes objectifs et subjectifs, passifs et actifs, pour tout le cours du temps. Dans cette condition, la monade humaine a, pour ainsi parler, la jouissance (ou la peine) mais n’a la propriété d’aucun de ses sentiments, de ses pensées ou de ses actes. L’existence de la monade divine, organisatrice, en son éternité, de cette fonction universelle des êtres conscients, où rien n’entre qui ne soit de lui, équivaut, si l’on s’en rend bien compte, à la donnée d’une multitude infinie de consciences de tous les degrés, existantes à chaque instant par l’acte d’une puissance unique qui les fait être et se modifier incessamment et se coordonner, sans changer elle-même, faisant le temps et n’étant pas dans le temps. Mais ce concept métaphysique ne pouvant se former et se soutenir sans contradiction dans notre pensée, n’a pas pu être le plan du monde en une pensée souveraine que nous regarderions comme l’exemplaire de la nôtre.

Le leibnitianisme est de toutes les doctrines philosophiques modernes la plus affranchie du réalisme. Son concept unique de l’être est entièrement d’ordre mental. L’être y est défini par la conscience, la conscience par ses fonctions, inséparables de la connaissance qu’elle a d’elle-même, et donnée par des rapports. Les degrés de l’être sont des degrés de conscience et de vie. Les relations nécessaires des êtres composent une harmonie de