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LXII

La doctrine platonicienne des idées. — Platon, sans essayer de définir le principe absolument premier, entreprit de constituer la doctrine des Idées. Il avait reçu une impression profonde de l’effort fait dans l’école éléatique pour échapper à l’instabilité du sensible en plaçant l’essence du réel hors de la relation, et l’enseignement de Cratyle son maître, disciple d’Héraclite, l’avait mieux persuadé de l’ « écoulement universel des phénomènes » que de l’alliance de Zeus avec Polémos pour faire sortir de l’instabilité l’harmonie. Il assistait, de son temps, à la mêlée des opinions et des sophismes suscités par l’impossibilité de faire sortir de l’étude de la chose sensible les qualités capables de produire la sensation, ou de la communiquer, et de fonder la connaissance et la raison. Il n’aperçut un fondement rationnel du savoir que dans les Nombres du pythagoricien Philolaos, dans l’application de sa géométrie réaliste à la définition de l’essence des corps et à l’organisation de la matière, jusque-là substance indéterminée. L’œuvre de son génie fut de généraliser ce concept sous le nom d’Idée, applicable à tous les objets de la connaissance sous leurs rapports divers, comme l’est l’idée propre du nombre pour des rapports spéciaux. Platon comprit dans les Idées les idées morales de Socrate, qui n’avaient point eu pour ce créateur de la psychologie un sens autre que logique, politique en son application, et il les érigea en essences supracosmiques, sujets transcendants à l’égard de l’expérience, archétypes dont tous les phénomènes de la nature et les