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fois en un point unique. Au sein de cette nature éternelle, qui est la seconde hypostase, il n’y a ni antériorité ni postériorité, le temps y repose dans l’Être. C’est l’âme du monde, troisième hypostase, qui désirant prendre possession d’elle-même, amplifie le présent et entre en mouvement, menant le temps avec elle.

Telles sont les idées qui, acceptées et reproduites par saint Augustin, sauf en ce qui touche l’émanation de la troisième hypostase, et résumées quant à l’éternité, par la formule célèbre de Boëce en sa Consolation philosophique : Interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio, s’imposèrent aux docteurs scolastiques, à peu d’exceptions près, et à la théologie du christianisme la plus autorisée jusqu’à ce jour.

Le rapprochement des mots interminabilis et tota simul met en évidence, dans cette formule, le trait caractéristique de la doctrine de l’infini du temps, réduit à l’actualité. C’est le choix donné, si l’on tient à comprendre ce qu’on dit, entre deux opinions : ou que l’idée de l’éternité, ainsi définie, est faite de l’assemblage de deux idées contradictoires, — puisque interminabilis est l’attribut d’une vie qui s’écoule, et tota simul la négation de cet écoulement, — ou que la succession est une illusion.

La doctrine néoplatonicienne et la théologie du christianisme diffèrent en deux points, essentiellement : 1o ni le dieu premier sans attributs, ni les trois hypostases réunies ne répondent au dieu du christianisme, qui, absolument parlant, la question de la trinité mise à part, est une personne selon le sens psychologique du mot, une conscience ; 2o l’émanation et la création ex nihilo, la descente de l’être dans la matière et la Providence cause universelle donnent deux vues entièrement opposées du monde.