Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mènes, ou des apparences, sans que quelque chose apparaisse » ; mais c’est là une pétition de principe mal dissimulée, et de plus un singulier lapsus : comment apparaîtrait la chose en soi, qui, par définition est vouée à ne pas apparaître ? (Kant, Prolégomènes, § XIII, 2e observation. — Critique de la Raison pure, préface de la 2e édition.)

L’apparition de la chose en soi qui devient phénomène est une apparition dans l’espace, condition de tout phénomène ; or l’espace et tout ce qu’il contient ne sont, selon Kant, que représentations en nous ; la chose en soi devenant phénomène, est donc une forme objective en nous, dont le sujet réel échappe à toute représentation possible. Le lien que Hume ne découvrait pas, dans notre conscience, entre nos perceptions successives devient plus insaisissable que jamais, s’il faut le chercher hors de nos représentations.

Touchant le sujet pensant lui-même, Kant professe qu’il n’est que « le rapport des phénomènes internes à leur sujet inconnu », — « la désignation de l’objet du sens intime, en tant que nous ne le connaissons par aucun prédicat plus profond », — et enfin « ce qu’on peut appeler une substance, mais dont la notion est vide, et dont la permanence est indémontrable hors de la durée pendant laquelle elle se témoigne à l’expérience » (Prolégomènes, § XLVI-XLVII). Les philosophes empiristes et Hume lui-même ont considéré, eux aussi, la conscience comme un rapport à quelque chose d’inconnu, mais ils voyaient là le problème, et non la solution de la question.

Si Kant avait pu éclaircir l’idée du noumène, il n’aurait encore fait en cela que poser une idée, il n’en aurait pas démontré le sujet au delà de toute représen-