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L’IDÉE DU MONDE DANS LA HAUTE ANTIQUITÉ

définis. Mais nous parlons ici de révolution indéfinie dont le concept exempte l’esprit du devoir de chercher pour le monde un commencement.

Les deux sortes d’évolution peuvent se concilier ; celle qui est une et indéfinie embrasse, pour cet effet, une infinité, en arrière et en avant, des évolutions multiples, finies et périodiques, construites hypothétiquement ; mais c’est là le point de perfection du système ; et nous ne sommes plus alors aux époques primitives de la spéculation.

L’une de celles-ci, et des plus anciennes, c’est en Égypte que nous la trouvons, nous offre le cas curieux et instructif d’un mythe, d’un dogme, si l’on veut, imaginé dans le dessein de poser à la fois et de nier le commencement. Nous voulons parler du concept du dieu, double par soi, père et fils de lui-même, le grand Scarabée, Cheper, qui est porté par l’Abîme, principe femelle sans origine. C’est une façon concrète d’exprimer le mystère de la causalité absolue, que des théologiens ont traduit en termes abstraits par l’idée du dieu causa sui. Pour les Égyptiens, le mythe bizarre de la génération réciproque n’excluait pas la divinisation des grands êtres naturels, ni celle des animaux symboliques ; il marquait seulement un effort vain pour approfondir la question suprême au delà de ce que l’imagination et le symbolisme peuvent exprimer. On trouverait probablement, si on les connaissait mieux, dans les cosmogonies élaborées par les prêtres chaldéens, ou par ceux des religions sémitiques polythéistes, outre le matérialisme avec des symboles naturalistes et des mythologies variées, appropriées à des dieux locaux, quelques vues indiquant la tentative de percer le mystère ultime soit de l’origine soit de la nature des choses ; mais nous n’avons du travail qui a pu se faire en certains sanctuaires que des restes informes défigurés par