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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

s’était fait construire dans son propre jardin ; Jean Romain conquis lentement par le charme du décor et de la vie d’Iarive, par l’attirance mystérieuse des Imériniennes, et détaché de son existence d’autrefois ; Cosquant épanoui dans ses luxures, ne rêvant plus d’autre garnison que la Capoue malgache. Lui-même, le dernier venu, était déjà pris comme les autres, plus que certains, car il n’avait pas à l’égard de sa petite épouse la belle indifférence d’Armand Desroches pour la femme indigène.

— Regarde, Raclaude ! Voilà mon village !

Elle montrait, du bout de son ombrelle, sur la crête toute proche, une ligne de sombre verdure. Ils traversèrent, sur d’étroites digues, des rizières jaunissantes, longèrent des champs de cannes à sucre, puis montèrent par un sentier escarpé. La respiration haletante des bourjanes scandait leurs efforts ; la sueur ruisselait sur leurs faces. Sous le ciel implacablement bleu, la haute colline farouche se dressait dans sa morne et rouge aridité, hérissée de blocs de granit noirâtre, avec de loin en loin la tache verte d’un champ de patates ou de manioc. Enfin, au bout d’un dernier raidillon, apparurent des broussailles et quelques arbres. Les bourjanes montaient maintenant comme à l’assaut, oublieux de leurs fatigues, les yeux tendus vers le but. Derrière les arbres un fosse béait, profond de huit à dix mètres, large de cinq ou six. C’était l’ancienne défense d’Imérimandzak, littéralement le Lieu-où-régnent-les-Mérina, poste avancé contre les invasions ou les