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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

accosta sur une grève de sable. Claude, tout de suite, voulut voir les chutes. Dans une large plaine d’alluvions, l’Ikioupe, divisé en un certain nombre de bras, serpente au milieu des broussailles et des lies de verdure. Puis la vaille se rétrécit, un seuil de gneiss la barre, haut d’une quarantaine de mètres. Le fleuve glisse mollement jusqu’au bord de la muraille rocheuse, tombe soudain d’un seul coup, en cataracte, puis rebondit sur d’énormes blocs ronds entassés au bas, gronde dans les couloirs de pierre, se précipite, monstrueux torrent, dans un lit profondément creusé. Claude ne pouvait détacher ses regards de la vallée verte égayée de manguiers touffus, barrée brusquement par l’énorme muraille rougeâtre, des eaux jaillissant par les échancrures de la barrière en cascades frangées d’écumes roussâtres, des rochers verdis d’algues ou noircis de boues. À côté de lui, au pied d’un arbre, Zane s’était assise ; elle s’ennuyait, à peu près insensible, comme tous les demi-civilisés, aux beautés de la nature. Le grondement sourd et éternel des cataractes lui causait même une impression désagréable. Elle se demandait avec curiosité pourquoi Claude, depuis un bon quart d’heure, contemplait sans parler toute cette eau qui faisait tant de bruit, mais elle respectait, en esclave indifférente, le silence du maître.

Quand il lui plut de partir, elle le suivit dans le ravin où l’Ikioupe roulait la houille blanche vers l’usine génératrice de la Compagnie Australe. Il y passa tout le reste de la journée, ins-