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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

les chiens et les éperviers pour nous recevoir. Et puis les cases seront fermées. Où dînerons-nous ?

Il fallut envoyer un messager porteur de plusieurs lettres ; dès la veille partirent aussi deux bourjanes avec des provision » et des ustensiles de ménage, pour la préparation du repas. La nuit qui précéda le grand jour, Zane ne dormit guère. Elle se forgeait mille inquiétudes sur les conséquences possibles de ce voyage. Si l’Européen allait se lasser d’elle en voyant son triste et pauvre village, ses parents paysans ? S’il ne la trouvait plus d’assez bonne caste et se mettait en tête de chercher une épouse parmi les filles des Andrianes ?… Et puis les Ancêtres, dans leur vieux tombeau de pierre, ne l’irriteraient-ils pas de voir introduire chez eux un étranger ? La veille, pour les apaiser, elle avait fait un vœu, promis de leur apporter une piastre en offrande et de donner un suaire neuf en soie, lors du prochain Retournement-des-Morts, à une aïeule récemment défunte.

Elle réveilla Claude dès quatre heures du matin, tant elle craignait d’être en retard. Il fallait quitter la maison à cinq heures, gagner les bords de l’Ikioupe, s’embarquer pour descendre le fleuve jusqu’à Farantsahane. Deux pirogues les attendaient, grands troncs d’arbres creusés, pouvant porter trente personnes, d’une stabilité relative. Seize bourjanes, avec les deux filanzanes, s’entassèrent dans l’une ; Claude et Zane prirent place dans l’autre, assis sur des coussins au fond de l’embarcation, les jambes allongées, elle à l’avant, lui à l’arrière.