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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

— Je ne puis admettre, s’écria Berlier avec indignation, qu’on appelle nos Malgaches des nègres ! Japonais, Mongols, soit ! Malais, mieux encore ! Mais des noirs, des Africains, non ! Sûrement leurs ancêtres sont venus de l’Orient, apportés à l’aube des âges dans quelques praos malaises, ou dans des pirogues de mer analogues à celles utilisées aujourd’hui encore chez les Sakalaves. Du reste ta tradition malgache n’est-elle pas là pour le prouver ? Le Coin-des-Ancêtres, dans chaque case, le lieu où les descendants sacrifient aux Pères de ta lignée, n’est-il pas situé au nord-est, dans la direction des grands courants qui poussent des régions de Sumatra, en passant par l’archipel des Seychelles, vers les parages de Madagascar.

— Argument fragile, dit Jean Romain, que celui tiré d’une tradition religieuse d’origine inconnue. Je suis cependant de votre avis, Berlier ; les Malgaches ne sont pas des nègres. Du reste le canal de Mozambique est infranchissable pour des embarcations de primitifs, tandis que des vents réguliers et des courants favorables amènent de mauvais boutres de quelques tonnes, à chaque saison, des ports de l’Inde ou de la Malaisie.

— Rappelez-vous, dit Berlier, le formidable cataclysme qui bouleversa les mers du sud lors de l’éruption du Krakatoa. À cette époque les laves du volcan furent apportées jusqu’aux côtes malgaches.

— Vous ne voulez pas que les Malgaches soient des nègres, reprit Desroches, en souriant,