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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

mite, et, maintes fois, j’ai essayé de la noter. Peine perdue. Les intervalles, différents des nôtres, insaisissables pour notre oreille, auraient suffi à me décourager,

— Je ne suis pas de votre avis, dit Jean Romain. Moi, j’entends encore, dans la vraie musique malgache, chanter l’âme des lointains ancêtres, des vieux Malais qui, dans les longues pirogues à balancier, sont venus des Îles mystérieuses, poussés par les courants propices. Il me semble que les aïeux de la vingtième génération devaient déjà connaître des mélodies analogues

— Vous, dit Cosquant, vous avez trop d’imagination.

— Oui, continua Romain, ne sentez-vous pas, dans ces airs archaïques, l’écho des sons renvoyés jusqu’à nous des profondeurs de la race ? Ces rythmes, brisés sans cesse par des syncopes, n’ont rien d’européen. À l’origine, ils devaient accompagner des danses étranges, où les pieds rapides frappaient fortement la mesure, tandis que les corps gardaient l’immobilité, l’impassibilité hiératique, et que les mains, comme dans les danses javanaises, se mouvaient en ondulations rituelles.

— Vous avez raison, s’écria Claude. Les battements de mains, dont aujourd’hui encore les spectateurs accompagnent cette musique, ne marquent-ils pas que jadis elle était faite pour une danse ?

— Archaïque aussi et bien populaire ce chant mélancolique et lointain que prolonge indéfini-