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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

sans s’inquiéter. Ce sont là humeurs changeantes d’Européens, dont il ne faut pas rechercher les causes. Mais le clair sourire de la femme-enfant chassa l’obsession du cerveau de Claude, comme un rayon de soleil dissipe la brune. Souriant lui aussi à sa petite esclave, il se leva pour donner des ordres.

Une troupe de musiciens malgaches, commandés pour la soirée, s’installa dans un coin de la varangue, trois chanteuses, un flûtiste et trois joueurs de valîh. Rien d’européen en cet orchestre, ni violons nouvellement importés, ni mandoline, ni guitare, mais une flûte en roseau comme au temps du roi Radama, et les valîh traditionnelles, longues tiges de bambous avec, pour cordes, les fibres soulevées, maintenues par de petits chevalets de bois. Chanteuses et instrumentistes étaient vêtus à la mode ancienne, les femmes en longues tuniques de cotonnade blanche, tombant jusqu’aux chevilles, les hommes en pagne, avec le lamba jeté par-dessus l’épaule, comme une toge. Accroupis sur leurs talons, ils attendaient patiemment le bon plaisir des étrangers. Claude leur fit un signe. Ils préludèrent, sans parvenir de suite à se mettre d’accord ; l’un entamait une mesure, et les autres suivaient, comme hésitants ; puis un autre recommençait ; enfin le rythme cherché s’établit. Mais tous les Européens protestèrent par des exclamations indignées : l’orchestre exotique, le quatuor de valîh et de flûte antique, jouait Viens, Poupoule, viens !

Berlier, dressé sur sa natte, agitait des bras