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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

de crépon de Chine brodé, couleur champagne, emprisonnait étroitement son buste dans une écharpe blanche. Ralinoure portait un kimono de soie bleue, et, pour plaire à Berlier, s’était fait ce soir-là une coiffure presque Japonaise. Rakéta, tout en blanc, était parée d’or comme une idole : collier, bracelets, boucles d’oreilles, et, suspendu au sautoir, un losange d’or avec des lettres arabes et des pendeloques, œuvre d’un artiste comorien. Impassibles comme des déesses, gênées d’ailleurs par la présence de plusieurs hommes, les trois femmes échangeaient de loin en loin quelques paroles.

Claude songeait à l’agitation factice des salons d’Europe, on vient de quitter la salle à manger, aux conversations banales, aux flirts inutiles. L’image d’une femme de là-bas, d’une femme blanche aux cheveux blonds, qu’il n’arriva pas à chasser de sa mémoire, s’imposait encore à lui. Un peu de nostalgique mélancolie vint assombrir sa joie : il évoqua la France, Paris, un salon familier de la rue d’Antin, où flottait un parfum subtil, depuis si longtemps non perçu. Il ferma les yeux comme quelqu’un qui choit dans un abîme. Mais une bouffée de vent souffla du jardin, apporta les senteurs fortes des fleurs tropicales… La voix de Zane, d’un timbre clair, avec des intonations d’enfant, le tira de son rêve.

— Les musiciens sont arrivés… Où doivent-ils se mettre ?

L’Imérinienne était debout près de lui, souriante et tranquille. Elle devinait son trouble,