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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Quand on le mettait sur ce sujet, il ne tarissait pas d’éloges sur la Betsimisâraka, propre et fidèle, sur la Sakalave voluptueusement experte aux choses de l’amour, sur l’Imérinienne, modèle des perfections de la race. Les Indigènes l’avalent appelé Bévâve, l’homme à femmes, et lui-même se proclamait ramatouïsant. Aimable et altruiste, providence des nouveaux venus à Tananarive, il indiquait volontiers, comme il le disait lui-même, l’adresse des « numéros exceptionnels » et des « bonnes affaires », connaissait les jeunes filles en quête d’un mari temporaire, et aussi les vieilles femmes, qui, ayant passé l’âge d’aimer, ne pouvaient plus que favoriser les amours des autres. Jamais il n’avait réussi à rester marié plus de six mois, même en vivant, selon sa propre expression, sous le régime de l’infidélité réciproque. C’était un beau soldat, un bon vivant et un brave cœur.

Les boys avaient apporté le café et les liqueurs. Chacun s’installait à sa guise, dans les rocking-chair, dont le balancement imite les houles lentes de la mer, dans les chaises de bord en toile bise, épaves des longues traversées, ou dans les fauteuils en écorce de roseaux, tressés par les indigènes. Michel Berlier, étendu de son long par terre sur une natte fraîche, fermait les yeux pour mieux goûter la douceur du soir.

Razane et ses deux amies, installées ensemble sur le divan couvert de tapis du Caire et de larges coussins moelleux, faisaient un groupe charmant, très oriental, digne d’un harem. La maîtresse de la maison, vêtue d’une longue robe