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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

fantaisies, devinait ses désirs, allait au devant de ses velléités. Elle se réveillait quand il n’avait plus envie de dormir, disparaissait s’il voulait être seul, et lui ouvrait les bras quand il avait besoin de tendresse. Il avait essayé, sans y réussir, de la mettre en colère, et il se reprochait ensuite, devant cette passivité soumise, d’être dur et mauvais.

Un mois plus tôt, la mère, une vieille Houve, bouffie et lourde, à la bouche volontaire, avait amené elle-même sa fille, après les négociations entamées par le Gouverneur Randrianarive ; elle avait emporté les pièces d’or et les étoffes de soie offertes aujourd’hui, comme il est d’usage, au lieu du don antique et rituel de l’arrière-train d’un mouton, et elle avait laissé Zane pour être l’épouse temporaire du Français. Claude se rappelait combien il s’était senti gêné, en ce premier rendez-vous, par la présence de cette mère qu’il jugeait proxénète, tandis qu’elle louait simplement le corps de sa fille à un étranger généreux, comme le lui permettait la coutume des Ancêtres. Tout le temps qu’elle était restée dans la chambre, très à l’aise, prodiguant à Razane en malgache des recommandations que l’Européen ne comprenait pas, Claude, agacé, ne savait que faire de sa personne ; il examinait curieusement la grosse femme, qui répandait une vague odeur de fumée rance, il se demandait si elle était bien la mère de cette fille svelte, aux traits fins, vers qui tendait déjà son désir. Quand il eut refermé la porte sur la vieille, il contempla la petite épouse