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LA FILLE DE L’ROUGE

coffret indien, en bois de santal, contenait les bijoux, tous en or massif, œuvre des orfèvres de Tananarive ou de Majunga : les bagues bayadères avec la triple divinité brahmanique, les lourds anneaux malgaches ornés de fleurs et de fruits, les gourmettes importées d’Europe et les colliers ciselés par les Malabars.

Parfois, quand une amie venait la visiter, Razane la menait dans la chambre des vêtements ; elles ouvraient les corbeilles, en tiraient les étoffes soigneusement pliées, admiraient les dentelles des chemises, les broderies ajourées, se drapaient dans les lambas, en gonflant le buste, avec des mines comme on en fait aux jeunes hommes qu’on connaît, lorsqu’on les rencontre seuls, dans quelque ruelle écartée et déserte.

Mais son vrai trésor était caché dans la case paternelle : un petit vase de terre, enfoui sous un carreau de brique dans la chambre où dormaient ses parents, contenait les piastres et les pièces d’or ; quand la somme était suffisante, on achetait une rizière, ou bien on consentait un prêt à taux usuraire, sur le gage sûr de quelque maison.

Claude ignorait cette Razane calculatrice et femme d’affaires, ou ne la soupçonnait qu’à de rares intervalles. Elle lui apparaissait bien plutôt comme une femme-enfant ; jamais ni très triste, ni très gaie, d’humeur égale, elle souriait à son mari du moment, à la belle lumière du jour, à ses toilettes, aux histoires de sa servante. Elle avait les joies et les peines d’une petite fille, le tranquille bonheur d’un animal