Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

côté du petit chemin qui longeait le jardin ; elle s’intéressait aux rares passants, aux allées et venues des familles voisines, aux petites querelles et aux mille potins du quartier, insoupçonnés des Européens. Elle entretenait avec les domestiques de longues conversations, sur des riens, à propos d’une bête qui avait traversé la cour pendant la nuit, ou sur le riz de la dernière récolte, ou sur le brouillard du matin.

La toilette était sa grande occupation ; dans une chambre de débarras, au premier étage, de grandes corbeilles en jonc tressé, fermées d’un couvercle et rangées sur des planches, renfermaient des chemises garnies de dentelles et d’entre-deux, à la mode européenne, de longues tuniques brodées, tombant jusqu’aux chevilles, des robes de toutes nuances, des bas de soie. Les lambas remplissaient à eux seuls deux corbeilles, il y en avait de tous les tissus et de toutes les teintes, en soie bleue ou jaune, en soie brochée, d’autres très simples, en cotonnade blanche, bordés d’une ligne de couleur, et des écharpes en crêpe de Chine ou en mousseline. Plusieurs, rayés de noir et de rouge, étaient des suaires destinés aux morts, mais vivants et vivantes se font gloire de les porter aux jours de fête, avant de rejoindre les Ancêtres dans les tombeaux. D’autres lambas étaient ornés de dessins étranges, grandes arabesques jaunes sur fond orange, à la mode sakalave, ou larges bordures en couleur et images criardes sur fond blanc, en honneur chez les Betsimisârakas. Dans une armoire de la chambre à coucher, un