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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

sous la lune éclatante, sans lampe, pour éviter les moustiques. Claude, plein d’appétit et de gaieté, faisait honneur au repas ; tout en mangeant, il causait, demandait à Razane ses occupations de la journée, lui parlait des détails de la fête qu’il devait donner le lendemain à ses amis, pour pendre la crémaillère. L’Imérinienne disait les préparatifs, les achats du matin au marché du Zouma, les ordres au cuisinier, le nettoyage de la case ; elle contait comment, au plus fort du travail, elle avait surpris Koutouzandre, le boy, assis au jardin dans un fauteuil en jonc, les jambes croisées, son plumeau sous le bras… La vieille Razaf, obligée d’abandonner le soin du linge, avait pesté toute la journée contre les lubies intempestives du maître. Zane faisait aussi des reproches à Claude : il allait dépenser beaucoup trop d’argent ; en une soirée il gaspillerait plus de piastres qu’il n’en faut pour se nourrir un mois. Lui riait, se moquait d’elle, mais au fond il était enchanté de la voir prendre ses intérêts et se montrer ménagère économe.

Depuis qu’elle vivait dans sa case, il ne connaissait pas les soucis que donne à un célibataire la direction d’une maison. Tout marchait à souhait, sans que d’ailleurs elle parût s’en occuper. À quelque heure qu’il rentrât, il la trouvait se reposant, tantôt sur une chaise de bord, quelquefois étendue de tout son long sur le divan, ou accroupie à la malgache, les jambes repliées sous elle. Elle pouvait passer des heures, accoudée sur la balustrade de la varangue, du