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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Claude Saldagne venait de rentrer. Il appela un domestique indigène, se fit apporter une chaise de bord et s’installa face au soleil couchant pour emplir ses yeux de l’immortelle et mélancolique splendeur du paysage imérinien.

Du sud au nord, sa vue embrassait, par delà les rizières, un vaste horizon demi-circulaire de montagnes désolées et farouches : mamelonnements roussâtres, grands dômes rouges, énormes croupes rocailleuses apparaissaient comme les vagues pétrifiées d’une formidable tempête géologique et se mêlaient en un inextricable chaos de sommets ronds, de crêtes déchiquetées, de pics aigus, de cratères éteints. Au sud, le massif puissant de l’Ankâratre dominait, comme un continent, les vagues brisées des autres montagnes. Au nord, la colline sainte d’Ambouhimangue profilait sa forme noire de monstre couché et velu sur la masse grise d’une chaîne dénudée. À mi-chemin, l’îlot vert d’Ilaf émergeait des champs roses et des rizières. Celles-ci s’étalaient en une vaste plaine, coupée par les marais de la rivière Mambe et du fleuve Ikioupe, toutes les rizières si vivantes en cette saison de l’année, pleines d’un ruissellement d’eaux et d’un fourmillement d’hommes. Les mille petits rectangles limités par des digues basses faisaient un immense damier vert et jaune, avec, de place en place, le miroitement de l’eau partout débordée. Dans cette mer glauque, brillante par endroits, le fleuve traçait ses méandres d’argent, et çà et là, dans une ceinture