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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

tourne de moins en moins vite, à mesure qu’augmente son impatience.

Une heure s’écoule encore, une heure d’ennui, avant qu’il puisse quitter le bord. Il remet le soin de ses bagages à un employé d’une agence et foule d’un pas indifférent le sol de sa patrie. Il prend une voiture, se fait conduire à la poste. Un volumineux courrier l’attend : fiévreusement il le porte dans une de ces cases en bois où le public trouve des formules télégraphiques et ce qu’il faut pour écrire ; il ouvre et parcourt quelques lettres, parmi celles qui doivent lui donner les nouvelles attendues, et dans l’une il lit ceci :

« Comme nouvelle mondaine, je t’annonce le récent mariage de Madame Villaret, chez qui tu fréquentais beaucoup avant ton départ pour Madagascar. On prétendait même que tu lui faisais la cour… »

Alors il sentit en lui un grand déchirement. Sa solitude, dont il n’avait pas conscience quelques secondes plus tôt, lui apparut lamentable et tragique. Le sang afflua soudain à son visage, il eut envie de pleurer comme un enfant. Dans une sorte de pudeur de son désespoir, il regarda autour de lui. Personne ne le voyait, des gens pressés circulaient sans faire attention à sa douleur. Il relut les lignes que son correspondant avait posément écrites, sans se douter de ce qu’elles pouvaient contenir de douloureux, d’irréparable. Et il lut ceci encore :

« …Ce mariage a étonné beaucoup de gens, Mme Villaret ne passait pas pour avoir envie de