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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

misârakas lui semblèrent moins séduisantes encore, petites, râblées, trapues, de teint chocolat, le nez épaté, les oreilles charnues, les attaches manquant de finesse. Leur prognathisme exagéré, le dandinement de leur démarche, leur accoutrement criard et disgracieux, avec les châles multicolores à franges, les larges chapeaux de paille surchargés de rubans, expliquaient l’appellation de guenons habillées dont aimaient à se servir les Européennes. Celles-ci triomphaient en entendant Saldagne exprimer cette opinion, mais les hommes, se contentant toujours de sourire, disaient :

— Attendez d’être à Tananarive. Nous en reparlerons dans quelques mois…

De fait les Imériniennes lui plurent à première vue : grands yeux noirs illuminés d’intelligence ou pétillant de malice et de gaieté, peau veloutée, brune avec des tons chauds souvent orangés ou ambrés, extrémités fines, petits pieds, mains allongées, cheveux non crépus, ordinairement très longs. Elles avaient pris du costume européen ce qui est seyant, portaient des bas bien tirés, des souliers découverts, se gardaient pour la plupart des coiffures excentriques, des chapeaux ridicules, et continuaient à se draper gracieusement dans le lamba national, pièce d’étoffe rectangulaire généralement blanche, pareille à la toge romaine. Claude, en les voyant, pensait à des déesses antiques ou à des statuettes de Tanagra bien plutôt qu’à des guenons descendues de leur cocotier. Infiniment diverses d’après les castes et les lointaines