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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

ou de vieux rose, que les champs récemment retournés jettent comme des haillons sur la nudité des collines. Blanche, ou grise, ou verte, cette contrée serait banale, ressemblerait à des pays déjà vus ; mais, dans sa rouge splendeur, si étrange, si infiniment variée par les jeux de la lumière et de l’ombre, elle est unique au monde, elle n’est pareille à aucune autre, ni aux Vosges, où les grès rougeoient dans la brume matinale, sous le manteau sombre des sapins, ni à l’Estérel empourpré, qui mire ses chênes-liège et ses pinèdes dans les calanques bleues.

À Tamatave, les plantes, les cases, les hommes rappelaient encore à Claude l’Imérina, et il continuait à s’extasier de la joie lumineuse des jours. Vêtu de blanc, il errait par la ville, faisait provision d’images coloniales pour les soirs du pays des Hyperboréens. Sous cette latitude et sur une côte battue de grandes pluies, une végétation exubérante envahit tout. Entre deux cases voisines, des badamiers sortent de terre, couvrant les toits de leurs larges ombrelles vertes. Des manguiers énormes disjoignent et soulèvent les murs de clôture des jardins. Partout où reste libre un pouce de terre ou de sable, arbres et arbustes jaillissent.

À la musique, place Bienaimé, Claude revit avec curiosité les femmes de la côte, aux étranges et multicolores costumes. Elles serraient leurs tailles souples dans des lambas divers, les uns merveilleux de couleurs, aux tons éteints et harmonieux, avec des dessins imités des voiles de